(gros)SESSE, (no) DRUGS, and ROCK'N ROLL
C’était un jour de juin 1992. Je me suis levée ce matin là sans savoir que mes oreilles et mon devenir musical allaient prendre un virage décisif.
Je n’avais pas encore 12 ans. Les cheveux dans le visage, une expression d’écorchée vive que je me traînerais encore quelques années et au collège on ne pouvait pas dire que j’étais "populaire".
J’avais envie que les autres me trouvent sympa, mais c'était pas gagné et je ne m’identifiais à rien ni personne. J’essayais pourtant. A commencer par écouter leur daube ignoble de danse pour être « in ».
Un soir de juin donc, alors que j’écoutais encore et toujours une radio « in » et que je ruminais des idées noires, je suis tombée en arrêt sur une voix éraillée sans savoir que c’était celle d’Axl Rose qui nous dispensait, pour l’une des premières fois sur les ondes, son November Rain. Mes parents écoutaient de la variété française essentiellement, je n’avais même pas idée de ce que c’était que le hard rock. Mais le solo final de Slash a fini par me scotcher définitivement sans avoir eu besoin de mettre un nom dessus.
A partir de là, j’ai été investie d’une passion sans limite pour le rock sous bon nombre de ses formes. Je me suis rendue compte à la médiathèque qu’aux côtés de Use Your Illusion, il y avait deux autres bibles sorties le même mois de septembre 1991 : Nevermind de Nirvana et le Black Album de Metallica. J’ai du faire copies de dizaines de cd sur cassette, empruntés au rayon « rock » que j’écoutais en boucle sans jamais en avoir assez.
Au lycée, j’ai commencé à élargir mon horizon en fréquentant des magasins spécialisés et en découvrant des groupes confidentiels. Je trouvais facile de différencier le heavy, la fusion, le grunge, le hard rock et le death metal. La scène de Seattle n’avait plus aucun secret pour moi et j’écoutais aussi bien les Dead Kennedys, que Tad, Nine Inch Nails ou Aggressor. Je portais une veste kaki de surplus de l’armée, un jean trop grand et des converses. Je lisais Lovecraft, Rice ou R.E.Howard. Je fumais des clopes toujours avec mes cheveux dans la gueule.
Je vouais un culte absolu à Cobain, fascinée par sa souffrance et son flirt avec la mort. J’étais attirée par le sombre, le gothique et le son lourd. Les mecs que je regardais avaient forcément les cheveux longs, des tatouages et cet air d’en avoir rien à foutre de rien ni de personne. Et je ne me suis jamais remise de Noir Désir, au théâtre de Verdure à Nice, mon premier concert à 17 ans. Le souvenir d’un autre écorché sur scène qui nous balançait son Marlène façon ponçeuse à bois et d’une claque mémorable (tu t'en souviens Chris ?).
Ma mère à l’époque et au son de ma chaîne HI-FI, était persuadée que c’était une passade. Un défouloir d’ado torturée. Effectivement, la musique me repêchait quand je sombrais dans mes questions existentielles de jeune pubère. Mais aujourd’hui, plus de 15 ans après, je vibre toujours autant à l’écoute de la double pédale et des distos de guitare. Et j’ai choisi le père de mon fils sans savoir tout de suite que lui aussi, à 18 ans, avait les cheveux longs, des envies de tatouage et cet air d’en avoir rien à foutre de rien ni de personne…
Mon arrivée à Paris et l’accès à sa pléiade de concerts a finalisé mon addiction. J’ai enchaîné Queens of the Stone Age, les Guns, Korn, Jello Biaffra des Dead Kennedys, Marilyn Manson, Muse, les Eagles Of Death Metal, les Red Hot, les Them Crooked Vultures et j’en passe…
Quand j’ai appris que Metallica reprenait l’intégralité de son Black Album au stade de France, j’en étais au début du 2ème mois. J’avais déjà laissé tomber l’idée d’aller au Rock Am Ring et au Hellfest de juin, festivals intégralement consacrés au metal. Mais là, c’était hors de question de le louper.
Dont acte : places achetées pour ce concert du 12 mai, qui a réuni 80 000 personnes autour de ce qui a été la genèse de ma culture rock. Et ça m’a remuée plus que je ne le pensais.
Depuis que je porte le Gnome, je repense à mon enfance, à mon adolescence. Je me demande comment il sera, comment je serai avec lui à présent que je me positionne de l’autre côté de la barrière, en tant qu’adulte responsable. Je me suis souvenue de mes moments de révolte, de rejet de tout et de tous. Des fois où je me sentais enfermée à en hurler et qui ont probablement fait le lit de mon indépendance actuelle et du fait que je me sente encore si facilement étouffée.
Finalement ça me renvoie à ce qui m’inquiète peut-être le plus dans l’histoire : la peur de l’inconnu. Je ne m’inquiète pas de savoir si je saurai changer sa couche ou lui expliquer ses devoirs de math. Je suis simplement envahie par ce sentiment bizarre qu’après avoir passé des années à me chercher et m’être enfin trouvée, je mets à nouveau un pied dans une expérience où je ne saurai pas anticiper mes réactions futures.
Je me demande si je me souviendrai assez de mes réflexions d’ado pour comprendre les siennes.
J’ai peur de lui transmettre mes angoisses, mes écorchures et les miettes de cette période que je n’ai peut-être pas encore tout à fait réglée…que je ne réglerais peut-être jamais.
Alors je l’ai emmené voir Metallica, puis Soungarden in utero. J’ai ressenti avec lui les vibrations des basses* et je me suis dit que je continuerais une fois sorti. Pour faire le lien entre mon vécu et le sien. Pour ne pas oublier ce que j’ai été.
Et aussi pour en profiter avant que lui aussi, il n’ait les cheveux dans les yeux, l’air torturé et qu’il ne reste scotché par un morceau de rap pour se mettre inconsciemment en total contradiction avec ses parents.
* A noter, pour celles qui se poseraient la question, que Gnome a eu l'air d'apprécier le vacarme et les riffs. On sent toutes avec justesse quand il n'est pas content. Généralement c'est quand nous mêmes on est pas au top. Le stress il aime pas, il part se planquer. Enfin le mien se planque en tout cas. Et là, il était collé contre la paroi tout le long et a bougé comme à son habitude. Donc visiblement, pas de traumatismes des décibels comme on a pu (avec un petit air horrifié) me le suggérer....
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La Minute "Rock pour les nuls"
(et donc à zapper si la culture rock vous importe autant que votre dernière chaussette)
Difficile de ne sélectionner que quelques groupes emblématiques de mon répertoire perso, mais j'ai essayé....
1/ Allez on commence chauvin avec Noir Désir. Peut-être le seul groupe de vrai rock français qui ait jamais existé (avec Trust). Un mélange de blues et de guitares saturées dont seul ce quatuor a eu le secret.
Noir Desir (En route pour la joie)
2/ Un gros mouvement de la fin des années 70 : le punk, qu'on a souvent assimilé à tort à un public de fachos (suffit d'écouter les paroles des exemples). J'aime bien, mais à moins grosse dose que d'autres genres de rock. Mention spéciale cependant à deux groupes mythiques. Toujours chauvin : les Béru et leur intemporel "Vivre libre ou mourir". Et les Dead Kennedys :
BERURIER NOIR - Vivre Libre ou Mourir Live
Dead_kennedys_-_holiday_in_cambodia_(liv
3/ Démocratisation des ordinateurs oblige, le rock qualifié d'industriel n'est apparu que quelques années plus tard dans la décénnie 90. Du rock remixé au logiciel, qui donne à peu près le son d'un concert joué dans une usine à plein régime. Le nom donné à cette mouvance reflète à peine le côté extrêmement dark du genre. Avec pour fers de lance, Nine Inch Nails et son leader Trent Reznor qui a ensuite ouvert la voie au très controversé Marilyn Manson. Pour l'un comme pour l'autre, je reste nostalgique des 1ers albums (Antechrist Superstar et The Downward Spiral), avant que la machine business ne fasse son oeuvre. Les concerts de Manson restent par contre de très haut niveau (quand il nous fait l'obligeance de ne pas y être totalement défoncé au crack).
Marilyn Manson I Put A Spell On You
4/ Le hard-rock est la racine de l'ensemble des autres genres. On a bien sûr les groupes originels comme AC/DC, Black Sabbath ou Alice Cooper dans les années 70. C'est peut-être le genre le plus accessible aux oreilles délicates et non habituées qui y discerneront plus vite une mélodie. Une place importante est laissée à la guitare et au chant et certaines ballades comme celle des Guns ont même été à l'unanimité admises comme des "tubes".
5/ Ma lignée chouchoute de rockeurs : celle de la scène de Seattle appelée plus communément le Grunge qui a explosé début 90's. Une musique directement sortie des garages d'une jeunesse paumée qui avait que ça à foutre. On est moins dans la prouesse musicale ici, avec des accords simples mais efficaces. On a cru la mouvance enterrée avec son leader Kurt Cobain, mais c'était sans compter les dérivés qui ont émergé d'un peu plus bas, vers la Californie et le Texas avec le Stoner. Moins dépressif que les premiers groupes, les Kyuss puis les Queens of The Stone Age ont initié une espèce de "rock du désert" au son lourd et métallique. On peut même trouver ce que j'appelle le "Happy Stoner" ou comment faire du bon gros stoner avec une ambiance Bee Gees. Les Eagles Of Death Metal et leur excellentissime leader Jesse-Boots Electric- Hugues valent le détour.
Queens Of The Stone Age - No One Knows
Eagles Of Death Metal - "Wannabe In LA" (official)
6/ Enfin et pour les oreilles un peu plus averties, les petits de ce que l'on appelle le Metal, lui même descendant direct du Hard-Rock dans une version plus radicale (vous suivez ?) et dont les nuances ne peuvent être perçues qu'avec un entraînement plus ou moins intensif de ses conduits auditifs. On pourrait faire un site rien que sur les différents styles de métal (heavy, black, progressif, nu, speed, death, trash...), donc je me contenterai de vous donner deux exemples connus. Le 1er dans ce que l'on appelle le Trash Metal (mélange grossierement punk/heavy metal) avec Metallica of course, et le second dans une tendance à sonorités parfois hip-hop : le Nu Metal avec Korn.