Epilogue
Je pourrai raconter qu’en l’espace d’une heure de temps après la première, j’ai eu des contractions toutes les deux minutes qui m’ont faites trembler de douleur.
Entre 0 et 10 Madame ? 10 PETASSE, EST CE QUE J’AI L’AIR D’ENFILER DES PERLES ?
Que j’ai à peine eu le temps de bénir la péridurale que le monito de mon Gnome s’est effondré.
Que j’ai vu 15 personnes rentrer dans la pièce me foutre des tuyaux partout, avec à peine un regard, en parlant de « code rouge » et "d'intervention urgentissime".
Qu’à ce moment là, j’ai su ce que signifiait avoir la plus grande peur de toute sa vie. J’étais tellement terrifiée que je n’ai pas pu sortir un mot jusqu’au bloc.
Que j’ai été endormie dans les 5 minutes sans savoir ce que j’allais trouver à mon réveil.
Que le jour suivant, j’avais l’impression de sortir d’un champ de bataille entre la balafre, les ecchymoses, les points de piquouzes, les bleus et surtout l’incapacité de me lever. Ce qui fait qu’on a du me laver putain de bordel de merde à cul*.
*un mal pour un bien, car ça m’a poussée à me lever de rage une douzaine d’heure après éventration, alors que je douillais ma race
Mais, même si ce résumé est plus qu’édulcoré (je passe sur le perçage de poche au méconium, la sonde, le réveil dans le gaz, les jours suivants entre tranchées et embouteillage…),..
.....ce que j’aurai surtout envie de raconter….
C’est son regard, quand son papa est apparu avec lui pour la première fois dans mon champ de vision. Des petits yeux noirs très éveillés que je contemplais pour la première fois, mais que j’avais l’impression d’avoir toujours connu.
C’est cette impression de perfection quand j’ai commencé à regarder le moindre détail chez lui, ses mains, ses oreilles, sa petite bouche et son nez tout neuf, en ayant du mal à réaliser que c’était moi le constructeur.
C’est mon émerveillement qui ne m’a plus quittée depuis au moindre de ses gestes, de ses mimiques ou de son sommeil de plomb et même quand il me pisse dessus, me gerboule sur mon soutif ou me sort un pet foireux à déboucher les narines d'un mort.
C’est la banane qui se dessine sur mes lèvres quand j’entends ses petits couinements de souris qui donnent l’impression d’avoir marché sur Sophie la Girafe.
C’est son soupir de soulagement quand je le prends contre moi après avoir mangé comme un chancre (et un sagouin), comme si plus rien ne pouvais lui arriver à présent.
C’est sa position de petit poulet sur son père qui fait au bas mot 50 fois sa taille, alors que les deux roupillent comme des bienheureux sur le canapé….
Bref, je pourrai raconter que ça, ça vaut non seulement les 9 mois, les nœuds au cerveau, le cubi à se trimballer, la démarche de canard, la perte de dignité, mais également toutes les balafres, les bleus et les guerres du monde.
Et que je veux bien recommencer demain, maintenant que je sais qu’aucune sensation forte n’équivaut celle de tenir mon fils dans mes bras.