La fin des haricots

Avant de tomber enceinte et après le symbole des soirées copines, ce qui m’angoissait le plus était d’arrêter ce qui constitue pour moi l’un des plus grands plaisirs de la vie : fumer une cigarette devant un plateau de fromages fermiers et un très bon verre de rouge. Parce qu’être enceinte, ça veut aussi dire qu’il y a une liste longue comme le bras de choses à ne pas faire...et des terroristes de la Mère Parfaite présents à tous les coins de rue pour te le rappeler. Déjà, j’ai été chanceuse : j’avais eu la toxoplasmose. Cette délicieuse maladie que tu attrapes par les chats ou les poubelles et qui fait que tu es condamnée à manger des légumes passés au karcher jusqu’à la fin de la grossesse et à balancer ton félin par la fenêtre. Bon je n’avais pas de chat, mais laver tout ce que je mange, ça m’aurait gonflée et je te raconte même pas le psychotage au restaurant.

Ensuite, il y a la listériose : une bactérie pas sympa, que tu retrouves dans beaucoup de choses crues (elle n’aime pas la cuisson) : viande, poissons...et fromage. Pour un amateur comme moi, il faut savoir que la pasteurisation, c’est la mort du fromage. Autant mâcher un bout de plastic. Et puis évidemment, plus on est dans ce que je préfère : mozzarella de Buffala fraîche et fondante, fromage de chèvre bien coulant ou roquefort, et moins c’est bon. Au pire, si écart il y a, il faut privilégier les pates dures aux pates molles. Exit donc le fromage qui pue à tous les repas.

Snif....

Enfin, il y a l’alcool. Entre les panneaux genre sens interdit sur toutes les bouteilles, le regard horrifié des gens lorsque tu t’approches à moins d’un mètre d’un verre de picole et les warnings dans tous les bouquins de grossesse, on le saura : l’alcool, c’est pas bien !

Je me préparais donc à être très malheureuse...Mais il faut savoir 2 choses. La première, c’est que l’être humain étant par définition, un peu con et incapable de s’autoréguler, les institutions préfèrent fixer des règles simples et sans latitudes possibles : alcool zéro, fromage cru zéro. Mais si on discute un peu avec les praticiens, ils te diront que d’une, il y a 40 cas de listériose par an sur 700 000 grossesse, et de deux, un demi verre de vin absorbé pendant le repas, une fois toutes les morts d’évêque, ça n’est PAS GRAVE. Je me suis donc rassurée en me disant que j’allais moduler mes écarts, de manière à ce qu’ils soient rares mais pas inexistants.

La deuxième chose, c’est que passé un mois, à peu près au moment où j’ai fumé la clope du condamné, j’ai commencé à avoir des nausées TOUTE la journée. Ca commençait le matin, une heure après le petit déjeuner. J’arrivais au bureau couleur gazon. Et je suis rapidement devenue la championne du nombre de rots à la journée. La classe. Ajouté à ça une narcolepsie persistante et un début de sciatique. J’ai passé un début 2012 au top. Autant vous dire que dans cet état, on a envie de rien. Je me suis mise à acheter des pates aux légumes chez les mangeurs d’herbe à côté de mon bureau (traduction : snack végétarien), car moi qui étais habituée aux pates 4 fromages et jambon, c’était à peu  près la seule chose que je pouvais avaler. L’affaire est simple : j’avais l’habitude de baffrer toute la journée, et j’ai fini par manger équilibré et en petite quantité naturellement. Résultat : non seulement je n’ai pas pris un gramme les 3 premiers mois (je pense qu’il me grignotait de l’intérieur), mais rien qu’à l’idée d’un fromage un peu fort, rien qu’au premier reniflement d’odeur de cigarette ou d’une goutte de vin un peu trop corsé, j’avais envie de poser ma galette. Ca avait quand même ses avantages. Ceci étant dit, imaginez la situation. Vous visualisez la délicieuse sensation qui existe entre le moment où vous avez bu votre dernière verre de trop et celui où vous expiez vos pêchés de la soirée dans les toilettes ? Et bien imaginez la même chose, sans être bourré et pendant un mois et demi....

Quand j’ai réalisé que j’étais devenue fan de tisanes, de légumes et du dodo à l’heure des poules, je me suis dit que c’était le début de la fin.